Dernier virage dans l’instruction juridictionnelle du procès Lumumba au deuxième degré. Alors que les intellectuels Lushois amoureux du Droit, assoiffés de justice et férus de la joute oratoire s’acquittent de leur devoir en achetant les billets pour la tenue effective de l’audience, le moment quant à lui est fatidique pour tous les acteurs majeurs du procès.
Derrière les barreaux de sa sombre salle de détention, le concerné, Patrice Emery Lumumba piaffe d’impatience et croise encore les doigts en espérant mordicus que son recours introduit puisse réformer le jugement contradictoire rendu en première instance. Lui qui se sent lésé par le dernier verdict tombé, sa seule prière est que toutes les lumières soient faites dans cette affaire. S’il n’a pu convaincre le juge de la juridiction inférieure qu’il l’a condamné faute peut-être d’un argument qui s’est avéré faible et de l’insuffisance de pièces présentées, cette fois le père de l’indépendance Congolaise aura quand même de quoi bomber son torse devant le tribunal qu’il a saisi. Privé de l’autre moitié de sa parole à cause de sa bouche édentée non par le poids de l’âge mais plutôt par la Belgique qui voulait acheter son silence pour toujours, Lumumba sera pourvu de son mordant avec toutes ses trente-deux dents bien alignées pour mieux articuler chacun des mots de son argutie et parer son phrasé à plaider sa cause avec autorité comme il a su bien le faire le 30 juin 1960 dans son discours-choc de l’indépendance. Qui sait s’il lui a juste manqué une dent de sagesse lors de son procès au premier degré?
Pendant ce temps, les avocats de la défense sont dans la fièvre de réunir une armada des moyens de défense solides et conséquents afin de disculper leur client de la faute imputée. Le sort de Lumumba est entre leurs mains et c’est peut-être une dernière chance qui s’offre à eux pour laver l’affront de l’histoire, ils en ont bien conscience. Lueur d’espoir de croire obtenir gain de cause, le rapatriement des reliques du premier 1er Ministre Congolais est un complément d’instruction comme un renforcement du plaidoyer pouvant bien assurer une défense de dent de dragon. Ils se doivent surtout de régler la mire et recadrer le tir pour gagner le procès.
Sachant que celui qui accuse n’a pas forcément raison, ça palpite dans le camp de l’accusation à l’idée de renforcer les indices sérieux de culpabilité comme les faits portés à charge de l’accusé. Pourquoi pas resserrer la vis de leur réquisitoire et affûter leurs armes pour se tirer d’affaire au cas où l’appel de Lumumba serait une pomme de discorde jetée dans leur camp. En pareille situation, les avocats du ministere public sauront-ils condamner le crime sans haïr le criminel pour ne pas basculer l’affaire en un procès d’intention?
Par ailleurs, l’adrénaline monte dans le cabinet du juge-président du tribunal de l’histoire, instance saisie en appel par le héros Congolais pour dire le Droit, qui étudie minutieusement l’affaire. Les membres du cabinet passent au peigne fin le dossier qui souffre sur leur bureau dans le seul objectif de rendre un jugement équitable en veillant à la légalité des moyens de preuve ainsi qu’à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés. L’issue du dossier dépend de la manière dont le tribunal de l’histoire va en trancher le nœud gordien. Car, il faut non seulement revisiter et maîtriser tous les articles de dispositions légales en matière pénale, en interpréter judicieument l’esprit de chaque loi avec orthodoxie mais il faut également savoir placer chaque article français à la place qu’il faut. On attrape un taureau par les cornes et à la parole on attrape un homme. Une prise à partie est surtout à craindre.
A défaut d’être close, l’affaire Lumumba qui est déjà un dossier sensible et complexe peut en un clin d’œil passer d’un contentieux judiciaire en une boîte de Pandore que le tribunal peut ouvrir. Les experts, quant à eux, s’activent dans la quête d’un moindre indice susceptible d’éclairer les zones d’ombre. Ils fouinent arcanes et secrets de dieux voire questionner la mort. Dans le souci d’être également à la hauteur de l’événement, ils sont habilité et ont qualité de déterminer même le sexe des anges.
Entre excellents hommes et femmes en robe réputés d’être rhéteurs, des plaideurs d’ici vont affronter ceux venus d’ailleurs. A la barre comme à la guerre, une guerre des idées pour un festival de beaux mots dans leur justesse, il n’y aura ni palilalie ni carence de verbe ni sécheresse de paroles. Couper l’herbe sous le pied de l’autre, traits d’esprit et arguments ad hominem de mise ; marque de la joute oratoire et exercice routinier de la judicature. Cette audience sentencielle promet d’être un procès-fleuve. Tout est donc réuni pour assister à une affaire en justice qui va faire date.
Rédaction